Shelter 2

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Shelter 2 est un jeu réalisé par le studio suédois Might And Delight basé à Stockholm. On y incarne Inna, une jeune maman Lynx qui réchappe de justesse à une meute de loup dans une introduction très poétique où guidé par les étoiles le joueur va peu à peu se rapprocher de l’endroit idéal pour la naissance de ses petits.

Le jeu est à mi-chemin entre une simulation de survie dans la peau d’un prédateur et un jeu contemplatif proche d’un Flower disposant d’une direction artistique unique entre patchwork et origami. L’accent n’est pas mis sur l’avatar du joueur mais bien sur ses enfants qui le suivent et qui dépendent totalement de lui pour espérer survivre. Une relation particulière va se tisser entre eux jusqu’à la fin du cycle d’une vie et de votre rôle en tant que mère.

Si c’est contemplatif, c’est pas un vrai jeu… si?

Beaucoup de gens considèrent à tord qu’un jeu contemplatif n’a rien d’un jeu tout simplement car ils s’ennuient dedans, il est vrai que ce type de jeu n’est pas réputé pour être dynamique et en général on préfère parler d’une « expérience » quand on parle de ces jeux. La plupart du temps le joueur n’a pas d’objectif clairement défini car les créateurs souhaitent tout simplement que ce dernier flâne dans l’univers qu’ils ont crée sans avoir d’impératifs durant sa progression, pour certains cette absence de cadrage est un défaut qui rends le jeu trop vague et trop mou.

Et effectivement Shelter 2 ne plaira pas à tout le monde, son gameplay très simple ne sera clairement pas la raison qui va vous pousser à jouer à ce jeu. Personnellement j’ai tout de suite été attiré par son esthétique unique et la perspective d’incarner un lynx dans un monde ouvert. Cependant je ne m’attendais pas à ce que ce soit autre chose qui me marque vraiment, car avant d’incarner un lynx on incarne surtout une mère! Et c’est une expérience vraiment unique d’avoir pour mécanique de gameplay principale le fait de s’assurer que sa progéniture va bien. On est bien loin d’une simulation de vie comme dans les Sims, ici nous sommes confrontés à la nature sauvage et impitoyable et la perte d’un de nos petits va réellement nous affecter car à force de veiller sur eux un lien va se créer avec ces petits avatars virtuels.

En soit Shelter 2 fait parti de ces rares jeux qui m’ont laissé une trace indélébile après avoir joué, que ce soit son parti pris graphique, ses musiques envoûtantes et appropriées et l’expérience de jeu unique, tout cela a crée un tout qui m’a touché et dont je me souviendrais, et c’est bien l’objectif d’un tel jeu. A vous de voir si comme moi l’expérience vous transportera et vous ferons oublier les défauts que ce jeu peut avoir.

Shelter 2 Contemplatif

Cela n’est pas évident de prime abord mais Shelter 2 nous raconte bien une histoire, il n’y a pas de vrai narration tout le long du jeu malgré quelques petits blocs de textes à certains instants bien précis du jeu (notamment l’introduction) ce qui reste très maigre, on nous présente Inna la mère Lynx et c’est à peu près tout. En fait le jeu nous raconte tout simplement l’histoire de la vie, comme le premier Shelter, une mère fait des petits, les nourris et les protège jusqu’à l’age adulte, cette vie est parfois cruelle et on perd certains de nos enfants soit à cause de la météo et nous assistons impuissants à leurs mort, soit à cause de prédateurs qui doivent eux aussi se nourrir. Le jeu nous offre alors une virée bucolique et poétique dans un semi monde ouvert en ayant pour simple préoccupation la santé de nos rejetons. Certains trouveront cela chiant comme la pluie, moi j’ai été touché par ce que le jeu avait à nous montrer et je me suis réellement attaché à mes bestioles si bien qu’au moment du départ j’ai réellement ressenti un petit pincement au cœur de voir ceux dont je me suis occupé toute une partie partir pour devenir parents à  leurs tour.

Je pense que le jeu prends une tout autre dimension si on est déjà parent, en tout cas Shelter 2 est bien un jeu vidéo, ce n’est pas un jeu grand public mais il possède cette interactivité qui vous permet de devenir le temps d’une partie une maman lynx et partager ses préoccupations somme toutes basiques. Cela n’aurait pas le même impact en regardant un documentaire Nature Geo Wild ou Arte par exemple et en ça le choix d’avoir réalisé un jeu est intéressant.

Un Gameplay limité certes, mais pas inintéressant

Concrètement que faites vous dans ce jeu? Et bien vous chassez! Votre lynx possède des contrôles assez basiques mais les déplacements ont une certaine inertie qui fait qu’une fois lancé vous avez du mal à changer de direction en pleine course. D’ailleurs vous disposez d’une jauge d’endurance vous permettant de sprinter quelques secondes. Cette jauge se vide rapidement et se recharge toute seule en marchant mais seulement jusqu’à la moitié! Pour regagner la moitié supérieure il faudra vous nourrir ce qui n’est pas chose aisée quand on a quatre autres bouches à nourrir.

Vous pouvez donc vous déplacer normalement et courir, à cela s’ajoute votre flair, cela vous donne accès pendant quelques courtes secondes à une sorte de « vision d’aigle », ou thermique comme vous préférez, colorant en rouge les animaux aux alentours. Ce sera votre seule vraie compétence et elle se révélera vitale dans les situations critiques pour repérer du gibier au loin dont les textures les camouflent vraiment comme dans la vraie vie.

Shekter2_Chasse

Passons ensuite à la chasse à proprement parler, selon la distance et le bruit que vous faites en arrivant votre proie mettra plus ou moins de temps à vous repérer pour s’enfuir. S’ensuit alors une course-poursuite plus ou moins difficile selon votre proie, qui se termine soit par l’épuisement de votre endurance soit par vos crocs mordant dans le gibier le tuant sur le coup. Les lapins par exemple sont tellement petits qu’il n’est pas rare de les perdre des yeux alors que leurs couleurs se mêlent au décors, ils sont présent en groupes pour maximiser vos chances d’en attraper au moins un. Plus la proie est grande et plus vous pouvez nourrir de petits, par exemple un lapin n’en nourrit que deux alors qu’une biche nourrit toute la famille.

Même si ces phases sont répétitives on sent que le studio a voulu nous rapprocher le plus possible d’une vraie chasse en pleine nature, on s’amuse alors à se mettre dans la peau d’un vrai prédateur, s’approchant discrètement à travers les buissons pour fondre sur nos proies et les rabattre vers une paroi rocheuse pour couper leur fuite. Le camouflage naturel est encore une fois bien exploité et il n’est pas rare de vous faire doubler par une proie espiègle qui change de direction en pleine course pour se perdre dans les broussailles.

Bien que la chasse ne représente pas un challenge très relevé c’est surtout la recherche de proies qui se font rare l’hiver qui va vous donner quelques sueurs froides alors que vos bébé tombent au sol de fatigue et de faim. Vous serez alors obligés de supporter leurs cris de détresse qui deviendrons de plus en plus rauques au fur et à mesure que leurs forces s’épuiseront. Il faudra alors trouver du gibier pour votre enfant à tout prix sous peine de le voir rendre son dernier souffle devant sa mère impuissante. Et c’est justement dans ces situations d’urgences que vous serez le plus enclin à faire des erreurs comme par exemple foncer trop tôt vers une proie épuisant votre endurance trop rapidement. D’autant que lorsque le gibier est rare vous vous affamez souvent au profit de votre progéniture ce qui rends la chasse plus complexe et vous entraîne dans une spirale dont l’issue peut vite être tragique.

Le Cycle d’une mère

Parlons maintenant de la structure du jeu, celui ci démarre par une introduction tour à tour stressante et poétique qui vous mets directement dans l’ambiance du jeu et que je vous laisse découvrir. Suite à cette introduction ou vous vous réfugiez dans votre tanière donnant son titre à l’œuvre, vous mettez bas une portée de quatre bébés Lynx. Dès cet instant vous allez commencer à tisser un lien avec eux en leurs donnant un nom, ainsi il ne forment pas une entité globale mais ont chacun une identité avec une couleur et un nom. Cette étape qui n’a l’air de rien est plutôt importante et je vous encourage à jouer le jeu dans l’attribution des noms.

La seconde partie du jeu est celle que j’ai décrite plus haut, vous allez chasser pour vos enfants qui en sont incapables et veiller à les écarter des dangers environnementaux mais aussi des loups qui sont au dessus de vous dans la chaîne alimentaire. Durant quelques heures vous allez donc voir vos petits grandir jusqu’à atteindre votre propre taille ce qui leurs permettra de chasser de façon autonome. Cette phase peut se terminer avec la totalité de vos petits à vos cotés ou avec certains manquant à l’appel.

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Vous pouvez même échouer dans votre rôle de mère et perdre tous vos enfants, dans ce cas le jeu nous vous mettra jamais un énorme Game Over au milieu de l’écran. Non il ne se passera rien, comme pour vous faire ressentir encore plus le poids de votre échec : Vous êtes seule, tout simplement.

La troisième partie du cycle est l’arrivée à l’âge adulte pour vos petits, lorsque l’automne arrive, les lynx prennent leurs envols comme vous l’annonce subtilement le narrateur. L’heure est alors venue pour eux de vivre leurs propres vies. Ils s’arrêteront subitement de vous suivre en poussant des miaulements rauques avant de partir, chacun de leur coté jusqu’à courir et disparaître de votre champ de vision pour toujours. De nouveau seule vous retournez à votre tanière, prête pour commencer un nouveau cycle.

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Vous êtes obligé d’avoir Inna comme premier Lynx, mais pour que le jeu possède un peu de jouabilité, les développeurs ont intégré un système d’arbre généalogique vous permettant de commencer une nouvelle partie avec un de vos enfants qui commencera un nouveau cycle à son tour.

Le choix peut se faire en fonction du nom de votre enfant mais je pense que ce sera surtout par rapport à la couleur de son pelage. Quel que soit le lynx choisi, elle aura un bébé de chaque couleur ce qui est un peu dommage mais permet de changer de pelage relativement souvent pour le coup. On aurait aimé que le pelage ait une vrai incidence dans le gameplay, notamment par rapport au camouflage du prédateur, ou que l’on puisse hybrider pour avoir des pelages uniques avec le temps mais bon, cela n’était surement pas au cœur du développement du jeu c’est sur.

Il n’empêche que l’idée de l’arbre généalogique reste bonne, simplement sous-exploitée, il permet de garder une trace de chacun des cycles que l’on a effectué mais aussi de nous rappeler le nom des petits que nous n’avons pas pu sauver, on se remémore ainsi les événements vécus en jeu participant à la trace laissée par celui-ci.

Conclusion

Il est maintenant l’heure de conclure, je pourrais continuer à vous donner mon ressenti mais je pense que vous en savez deja assez pour décider si ce jeu est pour vous … ou pas. Objectivement je ne peux pas dire que ce soit un très bon jeu, en revanche je peux affirmer que c’est une très bonne expérience ! Je ne me souviens pas d’avoir expérimenté la perte d’un enfant dans les jeux vidéos auxquels j’ai pu jouer ce qui fait que Shelter 2 gardera une place unique dans un coin de ma mémoire, surtout pour sa direction artistique et ses miaulements insupportables !

Pendant que les suédois de Might and Delight grignotent du renne séché en bossant sur leurs prochain projet Meadow (un jeu multijoueur sandbox permettant d’incarner des animaux de l’univers Shelter) je vous suggère donc de vous accorder quelques heures de poésie devant Shelter 2. Certes vous n’allez pas rejouer au jeu à l’infini sans vous lasser mais je pense que c’est clairement un jeu qui mérite d’être testé. Même si effectivement c’est dommage car il manquait des choses qui auraient pu rendre ce jeu d’intéressant à génial, augmenter la diversité des proies par exemple, augmenter l’utilité de l’environnement pour se fondre dans le décor et surtout donner des objectifs aux joueurs. Mais quand on y réfléchis deux secondes, cela aurait vraiment donné le même jeu ?

Le prix peut sembler un peu élevé pour une si courte durée de vie, à vous de voir si il aura une quelconque jouabilité à vos yeux, et si vraiment vous doutez encore, dites vous que vous contribuez à l’essor du jeu indépendant suédois et ça c’est beau !

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Points Positifs

  • Une direction artistique originale
  • Pouvoir explorer en monde ouvert
  • Etre a la fois prédateur craint et vulnérable avec sa famille
  • Le système d’arbre généalogique pour jouer ses enfants

Points Négatifs

  • Gameplay limité et répétitif
  • Pas de vrais objectifs à part la survie des petits
  • La carte du monde peu claire et la segmentation des niveaux
  • Pas de vraie rejouabilité pour une durée de vie très courte